Au pied de la montagne Sainte‐Victoire, pourquoi une Association Jean ZAY ?

Pourquoi une Association Jean ZAY a-t-elle été créée à PEYNIER ?

« Jean ZAY 1904-1944 »

Un jeune ministre...

Notre association est née de façon presque fortuite le jour où plusieurs d’entre nous ont découvert, dans un livre sur l’histoire du village, que le groupe scolaire Jean Jaurès de Peynier avait été inauguré le 2 juillet 1938 par un jeune ministre du Front Populaire, finalement assassiné par la milice française de Vichy…

Et grande fut notre stupéfaction de constater qu’en 2008 pratiquement plus personne en France ne connaissait son nom, son existence ou son oeuvre…. Sauf deux petites dames qui, ce jour‐là, jeunes écolières, avaient été chargées de lui remettre un bouquet de fleurs : Fernande COUTON s’en souvientencore avec émotion, elle qui préside aujourd’hui l’association des Anciens Combattants de Rousset…

Jean ZAY, député du Loiret, a été le plus jeune ministre de l’Education nationale et des Beaux‐Arts, et en 1937 son domaine s’élargit avec le rattachement à son ministère du sous‐secrétariat aux Sports, Loisirs et Education physique de Léo LAGRANGE. Pendant cette période il bénéficie du concours successif de deux prix Nobel au Secrétariat d’Etat à la Recherche : Jean PERRIN et Irène JOLIOT‐CURIE.

Dans un ouvrage récent, Olivier LOUBES (1 ) signale que « nombre de traits majeurs que l’on attribue à l’école de Ferry » sontredevables aux décisions de ces années 1936, pendant « ce moment Jean Zay ». Lui sont en effet attribuables des mesures aussi importantes que la grande réforme de l’enseignement fixant, à partir de 1936, les premières bases de la démocratisation du secondaire (vers le collège unique), ainsi que la création – même si la traduction dans les faits attend parfois 1945 – du CNRS, du musée de l’Homme, du Festival de Cannes, de l’ENA, ou la mise en oeuvre des congés payés… »

 ... laïque ... 

Les circulaires du ministre Jean Zay sur la laïcité (1er juillet 1936 et 15 mai 1937) sont simples et auraient pu rester simplement d’application aujourd’hui, sans y ajouter un mot. Elles interdisent toute forme de propagande, politique ou confessionnelle, à l'école, et tout prosélytisme :

"Je vous prie d'inviter les chefs d'établissements secondaires à veiller à ce que soient respectées les instructions interdisant tout port d'insignes. (...) Vous voudrez bien considérer comme un signe politique tout objet dont le port constitue une manifestation susceptible de provoquer une manifestation en sens contraire. L'ordre et la paix doivent être maintenus à l'intérieur des établissements scolaires, mais en même temps vous veillerez à ce que les chefs d'établissements évitent les incidents et les éclats et que l'on procède, dans toute la mesure possible, par la persuasion plutôt que par la contrainte."

Le nombre de réformes lancées a été impressionnant pendant son ministère du 4 juin 1936 au 13 septembre 1939, date à laquelle il démissionne de son poste de ministre pour aller combattre au front. La guerre éclate en effet fin 39. Le 14 juin 1940 les troupes allemandes entrent dans Paris. 

... résistant ...

Avec son ami Pierre MENDES‐FRANCE et 25 autres parlementaires, Jean ZAY s’embarque sur le Massilia le 20 juin 1940 pour Casablanca dans le but d’aller rejoindre Alger afin de continuer le combat. Dès le 23 juin, Hitler visite Paris... A l’arrivée du Massilia à Casablanca, l’armistice signé par PETAIN entre en vigueur. Ceux qui avaient été désigné à l’opprobre populaire comme étant « les juifs » sont emprisonnés. Le 10 juillet 1940 la République est assassinée (3) et tous les pouvoirs sont donnés à PETAIN. Le 4 octobre 1940, après un procès inique, Jean ZAY est condamné à la dégradation militaire et à la déportation à l’île du Diable en Guyane… la même condamnation que DREYFUS !

... condamné...

Mais celle‐ci ne sera pas exécutée : Jean ZAY (2), en instance dans le quartier des condamnés à mort au Fort d’Entrecasteaux à Marseille (Haut‐Fort Saint‐Nicolas), y reste pendant près d’un mois en décembre 1940… Les mers étant peu sures, Vichy préfère l’envoyer à la maison d’arrêt à Riom, où il resta pendant 4 ans jusqu’au 20 juin 1944.

C’est à cette même époque, fin 1940, que le Maire de Peynier, Vincent DELPUECH, patron de presse et Directeur du « Petit Provençal » à Marseille, devient également administrateur du périodique « l’OEuvre », le journal dont Marcel DEAT (condamné à mort par contumace à la Libération) fut directeur du 5 juillet 1940 au 17 août1944, qui présida aux destinées du Rassemblement National Populaire… un des principaux partis collaborationnistes, créé en 1941.

Le maire de Peynier était donc à cette époque administrateur du journal du principal parti collaborationniste (3). Vincent DELPUECH y fut « amené par Fernand BOUISSON » à l’automne 1940, écrit J.P. COINTET (4). Le 5 avril 1943 Jean ZAY écrit (2) : « Le manager de Bouisson était Laval ». Le journal marseillais du maire de Peynier, « Le Petit Provençal » ne s’est d’ailleurs jamais caché de son enthousiasme pour Pierre LAVAL…

Ce qui n’a pas empêché le maire actuel d’ériger le 4 septembre 2010 à Peynier, dans les protestations générales, un buste à son peu recommandable prédécesseur, et de nous attaquer en justice pour « diffamation »…. Plainte bien vite abandonnée (mais statue maintenue). Voir le dossier sur http://monpeynier.over-blog.com/article-mais-qui-etait-vraiment-v-delpuech-81987803.html

Et c’est ce contraste flagrant entre le ministre en prison, ce ministre qui avait inauguré en Provence l’école de Peynier en 1938, « celui qui croyait à la Résistance », et le directeur marseillais de presse collaborationniste « celui qui n’y croyait pas » … qui a poussé un certain nombre de citoyens responsables à faire des recherches historiques, à prendre des contacts avec les milieux universitaires et avec ceux de la Résistance et à créer une Association pour faire connaître la vie et l’oeuvre de ce grand ministre de l’Education Nationale, Jean ZAY, « l’inconnu de la république ».

Notre association a en effet pour buts statutaires:

« ‐ d’honorer et entretenir la mémoire de la vie et de l’oeuvre pédagogique de l’ancien ministre Jean ZAY qui fut en charge de l’Education Nationale et de la Culture de juin 1936 à septembre 1939, grand défenseur de l’école publique et laïque, résistant, condamné à la déportation par le tribunal militaire de Clermont‐Ferrand aux ordres de Vichy, emprisonné à Riom jusqu’au 20 juin 1944 où des miliciens viennent l’arracher à sa prison pour l’abattre dans un bois,

‐ d’honorer et entretenir la mémoire des Résistants de la Haute Vallée de l’Arc, et particulièrement d’Albéric LAURENT, instituteur à Peynier dès 1932, membre des Forces Françaises de l’Intérieur dès 1943, mortellement blessé au combat dans le Haut‐Rhin le 21 janvier 1945;

et, plus généralement

‐ d’approfondir et diffuser la connaissance de l’histoire des acteurs de la deuxième guerre mondiale, de la Déportation et de la Résistance dans les Bouches‐du‐Rhône et en Provence. »

Voilà pourquoi chaque année nous avons organisé, avec des organisations patriotiques d’Anciens Combattants et d’Amis de la Résistance, des matinées pédagogiques pour des collégiens et lycéens au cours desquelles, nous leur présentons non seulement un film très sensible sur Jean ZAY « Dans la Lumière de Jean ZAY » (5) mais surtout nous leur donnons l’occasion de dialoguer directement avec des vétérans du Débarquement de Provence, des Résistants de la région ou des déportés survivants d’Auschwitz.

Il faut voir l’intensité du regard de ces jeunes écouter les anciens … ! L’important pour nous est d’organiser des témoignages devant les jeunes générations, de transmettre la mémoire. Car la fin vous la connaissez :

... assassiné

Après le débarquement de Normandie, Jean ZAY est extrait de sa cellule, le 20 juin 1944, par trois miliciens venus de Vichy sous l’autorité de MARET, chef du service de la sécurité à Vichy. Ils sont munis d’un ordre de transfert (présenté dans l’exposition) vers Melun, signé par BAILLET, directeur de l’administration pénitentiaire, également milicien, accompagné d’instructions de Clémoz, chef de cabinet de DARNAND. Ceci est un assassinat, commandé en haut lieu.

Rappelons que la milice française, a été créée par Joseph DARNAND en 1942 pour lutter contre la Résistance, à la demande d’HITLER en personne. Le serment des miliciens affirmait « contre la lèpre juive. Pour la pureté française, contre la franc‐maçonnerie païenne, pour la civilisation chrétienne, contre l’oubli des crimes, pour le châtiment des coupables. » Il est stupéfiant de voir que de telles parole circulent encore aujourd’hui …

 

Cette mémoire doit être transmise.

Désormais le Collège de Rousset porte le nom de « Collège Jean‐ZAY » et contribuera à faire connaitre l’exemple et l’actualité de ce grand homme. Dans une cérémonie d'hommage à la Résistance, le 21 février 2014, le président de la République a annoncé que la France honorerait désormais la mémoire de Jean Zay en le faisant entrer au Panthéon (6). Participons à cet hommage national !

Jacques MISGUICH

Président Fondateur de l'Association Jean ZAY en Provence

 

1 ) Olivier LOUBES : « Jean Zay, L'inconnu de la République », Armand Colin (2012) 

2 ) Jean ZAY : « Souvenirs et Solitude », Belin (2010)

3) Gérard BOULANGER : « L'Affaire Jean Zay: La République assassinée », Calmann Levy (2013)

4 ) J.P. COINTET : « Marcel DEAT. Du socialisme au national‐socialisme », (Perrin 1998).

5 ) Marieke AUCANTE : DVD, film 35 ‘ « Dans la Lumière de Jean Zay » distribué par :  <asso.jzp@clubinternet.fr >

6) Le 27 mai 2015.